L’écologie des autocrates Spécial
A l’heure où, selon les spécialistes, l’été 2022 préfigure le climat qui nous attend, avons-nous tous les mêmes préoccupations? En Suisse, au vu des températures endurées ces dernières semaines, il n’est pas besoin d’être un militant d’Extinction Rebellion pour se demander s’il n’y a pas trop de béton dans les rues et pas assez d’arbres dans l’espace urbain. Ailleurs, il y a de quoi déchanter. Au point que l’éco-anxiété se profile comme un ethnocentrisme occidental à l’échelle déréglée du 21e siècle.
Pour prendre un exemple, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan a une vision de l’urbanisme à des éons des soucis occidentaux. Hier zone rurale, la ville de Basaksehir est très vite devenue le nouveau poumon résidentiel d’Istanbul. Une expansion fulgurante, à l’image du pays de l’AKP, le Parti de la justice et du développement, au pouvoir depuis vingt ans.
En deux décennies, Erdogan a donné à sa patrie de 80 millions d’habitants un visage à la fois moderne et conservateur. Sur la base d’un nationalisme entreprenant et d’un islam énergique, la Turquie chérit les grands travaux, non les mises en garde décroissantes. Plus encore que Basaksehir, le projet du canal d’Istanbul, qui relierait la mer Noire à la mer de Marmara en désengorgeant le détroit du Bosphore est son grand rêve.
Une folie de plus! Une calamité environnementale! Un gouffre financier!
Une folie de plus! Une calamité environnementale! Un gouffre financier! Qu’importe les avertissements: pour Erdogan, il faut donner à la Turquie les moyens pharaoniques de sa géopolitique néo-ottomane. Cela coïncide avec le concept de «patrie bleue» qui projette Ankara sur l’échiquier méditerranéen. Mais, en voguant sur les mers chaudes, il fait face à la Russie voisine de Vladimir Poutine.
Au-delà de leurs divergences et de leurs frictions (il y en eut et il y en a encore), les deux hommes forts parviennent à s’entendre. Ils accordent leurs intérêts quand leur puissance et leur influence priment. Dans le rôle du médiateur depuis la guerre en Ukraine, Erdogan redore son image internationale. En discutant avec Poutine qui, en matière de grands travaux aberrants, a déjà donné le mauvais exemple avec Sotchi. Les inquiétudes écologiques ne sont pas les bienvenues à la table des autocrates: c’est qu’ils ont d’autres chats à fouetter.
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