L’art salvateur Spécial
«La beauté sauvera le monde», fait dire Dostoïevski au Prince Mychkine dans L’Idiot. Une affirmation face à laquelle un autre personnage de ce roman mémorable, Hippolyte Terentiev, se demande quelle beauté serait à même d’opérer une telle salvation. En effet, laquelle?
Si la phrase de Dostoïevski a été déclinée à toutes les sauces, elle conserve une puissance d’interpellation intacte grâce à la force religieuse du grand écrivain russe, la philosophie profonde qui l’anime. Elle se raccorde aussi à l’émotion et à la création artistique. Quand notre oreille est saisie par l’harmonie d’une mélodie ou lorsque nos yeux s’absorbent dans le silence d’une toile, ne faisons-nous pas l’expérience d’une beauté qui nous transcende?
C’est certainement ce qui est arrivé aux jeunes gens et aux enfants qui illuminent notre dossier sur l’éducation. D’une part un orchestre lyrique qui émancipe de la terrible réalité d’une décharge paraguayenne. D’autre part Paul Klee qui éveille de petits Bernois à l’art moderne. Dans les deux cas, le langage artistique, manifesté en concertos ou en peintures, joue non seulement un rôle éducatif, mais constitue surtout un tremplin dans la vie.
L’art: un tremplin pour la vie et une boussole de sensibilité.
Vivre, c’est apprendre. A marcher. A bien se comporter. A dialoguer. A déchiffrer la forêt de signes contradictoires du quotidien. A s’exprimer. Plus encore, vivre revient à tracer son propre chemin dans une existence qui est parfois une vallée de larmes, réalité que Dostoïevski aurait difficilement contredit.
Recevoir un héritage artistique et le faire vivre: quel plus beau présent face à l’épreuve de la vie? Cela permet en 2022 à de jeunes Latino-Américains comme à des Suisses même pas ados d’acquérir bien plus qu’une bouée: une boussole artistique. Cette beauté-là, si elle ne sauvera vraisemblablement pas le monde de ses turpitudes, les aidera en tout cas à être des personnes épanouies, respectueuses, sensibles. Les jésuites du Paraguay ancien et Paul Klee en auraient pleuré de joie.
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